La procédure de conciliation

Comment se passe une procédure de conciliation ? Quelles en sont les issues ?

En bref

La procédure de conciliation est une mesure préventive. Elle tend à favoriser le redressement d'une entreprise en difficulté grâce à l'intervention d'un conciliateur qui a pour mission d'obtenir la conclusion d'un accord entre les dirigeants de l'entreprise et les créanciers de celle-ci sur des délais de paiement ou des remises de dettes, voire de préparer la cession de l'entreprise.

Elle peut aussi permettre la préparation avec les créanciers d'un plan tendant à assurer la pérennité de l'entreprise et susceptible d'être rapidement adopté dans le cadre d'une procédure de sauvegarde accélérée.

La procédure de conciliation est une procédure amiable : aucune partie ne peut être contrainte par le juge de participer à la négociation, ou d’accepter telle mesure prévue par l’accord.

Cette procédure n'affecte pas les pouvoirs de gestion du dirigeant et ne constitue pas un obstacle aux poursuites des créanciers contre l'entreprise, sauf pour ceux qui ont conclu un accord constaté ou homologué par le juge.

Ouverture de la procédure de conciliation

Dépôt de la demande : Le représentant légal de la société doit présenter par écrit sa demande de conciliation au président du tribunal de commerce dans le ressort duquel, sauf exceptions, est situé le siège de la société.

La demande du dirigeant doit exposer la situation financière, économique et sociale de la société, ses besoins financiers et, le cas échéant, les moyens d'y faire face. Pour être éligible, la société doit éprouver une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible, et ne pas se trouver en cessation des paiements depuis plus de 45 jours.

Nomination d'un conciliateur : S'il considère que la situation de la société et les propositions des dirigeants le permettent, le président du tribunal ouvre la conciliation et désigne un conciliateur pour une durée n'excédant pas 4 mois (la durée peut être prorogée d’un mois sur demande de celui-ci). Le dirigeant de la société peut proposer un conciliateur et peut récuser celui qui a été désigné.

La décision d'ouverture de la conciliation est communiquée au ministère public et, si la société est soumise au contrôle légal de ses comptes, aux commissaires aux comptes. En revanche, le dirigeant n'est pas tenu d'informer le comité social et économique de l'ouverture de la procédure.

Enquête : Après ouverture de la procédure de conciliation, le président du tribunal peut obtenir communication de tout renseignement lui permettant d'apprécier la situation économique, financière, sociale et patrimoniale du débiteur et ses perspectives de règlement, sans que le secret professionnel ne puisse lui être opposé. Il peut demander à un expert d’établir un rapport sur la situation économique, financière, sociale et patrimoniale de l’entreprise. Le président communique au conciliateur les renseignements qu'il a obtenus à la suite de ses enquêtes et, le cas échéant, le résultat de l'expertise.

Confidentialité de la procédure de conciliation

Toute personne intervenant dans le cadre de la procédure de conciliation, ou en ayant connaissance est tenue à la confidentialité. Elle s'expose, en cas de révélation, à une action en responsabilité civile et, si elle est par ailleurs soumise au secret professionnel, à des sanctions pénales (un an d'emprisonnement et 15 000 € d'amende). L'obligation de confidentialité s'impose également aux journalistes, sauf question d'intérêt général.

Effets de l'ouverture de la conciliation

La simple ouverture de la conciliation n'emporte pas la suspension des poursuites individuelles des créanciers contre la société. Toutefois, avant la conclusion d'un accord avec les créanciers, la société peut demander au juge de lui octroyer des délais de paiement si un créancier l'a mise en demeure ou s'il n'a pas accepté, dans le délai imparti par le conciliateur, la demande de suspendre l’exigibilité de la créance.

S’il est fait droit à la demande de suspendre ladite exigibilité, le juge peut reporter ou échelonner le règlement des créances non échues dans la limite de la durée de la mission du conciliateur. Il peut également subordonner la durée des délais qu'il octroie à la conclusion d'un accord amiable.

Le redressement et la liquidation judiciaires ne pouvant être demandés ni par un créancier, ni par le ministère public si une conciliation est en cours (art. L 631-4 et L 640-5), la demande de conciliation permet à la société d'échapper au redressement et à la liquidation judiciaires jusqu'à la clôture de la procédure de conciliation et, au plus, pendant six mois et demi après la cessation des paiements (45 jours, plus cinq mois de procédure).

La recherche de la conclusion d'un accord amiable

La mission du conciliateur est de favoriser la conclusion, entre la société et ses principaux créanciers et/ou ses cocontractants habituels (fournisseurs, actionnaires, administration fiscale, organismes sociaux…) d'un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de la société.

Le conciliateur peut aussi être chargé par le président du tribunal, à la demande du débiteur et après avis des créanciers participants, d'organiser une cession partielle ou totale de l'entreprise qui pourrait être mise en œuvre, dans le cadre d'une procédure ultérieure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.

Option A : Absence d'accord

Si les parties ne parviennent pas à un accord, le conciliateur en informe le président du tribunal qui met fin à la conciliation.

À condition que la société soit en cessation des paiements, un créancier (ou le ministère public) peut alors demander que la société soit mise en redressement ou en liquidation judiciaire.

Toutefois, le dirigeant de la société peut passer outre à l'opposition de certains créanciers. Il peut demander l'ouverture d'une sauvegarde accélérée si le soutien des autres créanciers permet l'adoption rapide de cet accord comme plan de sauvegarde.

Option B : Conclusion d'un accord

Dans 60 à 70% des cas, la conciliation se termine par la conclusion d’un accord amiable. L’accord amiable doit refléter les efforts consentis par chacune des parties.

L’accord peut, soit être constaté, soit homologué par le tribunal.

  • La constatation de l’accord

    Les parties peuvent décider que l’accord amiable sera constaté par le président du tribunal.

    La constatation confère la force exécutoire à l'accord, c’est à dire qu’il offre la possibilité aux parties de recourir à la contrainte publique pour en obtenir l’exécution forcée.

    La décision constatant l'accord n'est pas soumise à publication et n'est pas susceptible de recours. L’homologation met fin à la procédure.

🤝🏻 Pendant la durée de son exécution, l'accord constaté interrompt ou interdit toute action en justice et arrête ou interdit toute poursuite individuelle sur les biens de la société de la part des créanciers participants pour obtenir le paiement des créances objet de l'accord.

  • L’homologation de l’accord

    L'accord est homologué sur demande du dirigeant si les conditions suivantes sont remplies :

    • la société n'est plus en état de cessation des paiements ou l'accord met fin à cet état ;
    • l'accord est de nature à assurer la pérennité de l'activité de la société ;
    • l'accord ne porte pas atteinte aux droits des créanciers non-signataires

    Le jugement d'homologation est déposé au greffe du tribunal et publié au Bodacc, dans un support d’annonces légales et, le cas échéance, au commissaire aux comptes.

🤝🏻 L'homologation de l'accord a les mêmes effets que la constatation judiciaire, mais elle protège mieux les intérêts des créanciers si la société fait ensuite l'objet d'une procédure collective.

En outre, si le débiteur a fait l’objet d’une interdiction d’émettre des chèques en raison de chèques émis avant l’ouverture de la conciliation, l’homologation de l’accord amiable lui permet de faire lever cette interdiction.

L'inexécution de l'accord homologué est sanctionnée, comme pour la constatation, par la résolution de l'accord ou la déchéance des délais de paiement.


L'ouverture d'une procédure collective et le privilège de "new money"

L'accord amiable prend fin de plein droit lorsque la société est mise sous sauvegarde, en redressement ou en liquidation judiciaire.

Le privilège de "new money" offre aux créanciers qui ont consenti à la société, dans le cadre de l’accord homologué, un nouvel apport en trésorerie (ou la fourniture d'un nouveau bien ou service) en vue d'assurer la poursuite et la pérennité de l'activité de la société bénéficient d'un privilège de paiement dans la procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation) de la société.

Le privilège ne peut être invoqué par le créancier que s'il l'a porté à la connaissance des organes de la procédure collective dans le délai imparti (fonction de la nature de la procédure ouverte).

Les créanciers concernés seront en effet payés, à hauteur du montant du nouvel l'apport (ou du prix du bien ou du service), avant toutes les autres créances - à l'exception notamment de certaines créances salariales et des frais de justice afférents à la procédure.

Le plan de sauvegarde ou de redressement ne pourra leur imposer, sans leur consentement, ni les délais de paiement uniformes que le tribunal peut prescrire à certains créanciers récalcitrants, ni les délais et remises votés par les classes de parties affectées.

Attention, ce privilège ne profite pas :

  • aux associés et actionnaires ayant consenti des apports dans le cadre d'une augmentation de capital ;
  • aux créanciers signataires pour leurs concours antérieurs à l'ouverture de la conciliation ;
  • aux créanciers bénéficiant d’un accord amiable qui a simplement été constaté

Dans la mesure où la date de cessation des paiements ne peut pas être reportée, sauf cas de fraude, à une date antérieure à la décision définitive d'homologation de l'accord, les actes contenus dans l’accord amiable ne peuvent pas tomber sous le coup des nullités de la période suspecte.